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Sur la piste du Centre de ski du Mont-Sainte-Anne (photos Michèle Grenier)
Les fondeurs le boudent. Les manufacturiers en font peu la promotion. Les municipalités et la Société de l’assurance automobile du Québec l’interdisent sur les routes. Le développement du ski à roulettes frappe un mur. Pourtant, quelques mordus croient que cette discipline devrait être reconnue comme un sport à part entière. Y a-t-il un avenir pour la version estivale du ski de fond ?
Pour la majorité des amateurs de plein air du Québec, l’automne rime avec randonnée pédestre. Mais pour Gaétan Beaulieu, 64 ans, l’arrivée des couleurs annonce plutôt la haute saison… du ski à roulettes ! « C’est à ce moment que j’augmente la cadence en m’entraînant en skis jusqu’à quatre fois par semaine », dit ce résident de Saint-Ferréol-les-Neiges, sur la Côte-de-Beaupré. Le but de ce grand fondeur devant l’Éternel : se préparer en vue de la prochaine saison de ski de fond. « Dès que les premières neiges recouvrent les pistes, je veux être prêt », explique ce jardinier professionnel, qui participe régulièrement à des courses de ski de la série World Masters.
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Afin d’assouvir sa passion, Gaétan Beaulieu se rend à la piste du centre de ski de fond du Mont-Sainte-Anne, la seule conçue au ski à roulettes au Québec. Cette boucle de 4 km au dénivelé abrupt a été conçue dans le but de permettre aux athlètes du Centre national d’entraînement Pierre-Harvey de s’entraîner en période estivale sur un parcours compétitif sans neige.
Bien que des clubs de ski bien structurés et des athlètes de haut niveau la fréquentent, cette piste, inaugurée en 2016, ne possède qu’un seul abonné de saison : Gaétan Beaulieu. « Il est extrêmement rare que nous vendions des billets à la journée », me confie la direction du centre. Preuve par mille que le ski à roulettes demeure un sport marginal, malgré ce chemin en or tracé sur les contreforts des Laurentides.
Inventé dans les années 1930, le ski-roues, comme disent les Français, ou le rollerskis dixit les anglophones, n’a jamais conquis le cœur des 500 000 fondeurs que compte le pays de Gilles Vigneault. Pourtant, ses rares adeptes en font bien souvent leur passion. « À mon avis, un fondeur va automatiquement aimer ça, car les mouvements sont extrêmement similaires au ski de fond », soutient François-Xavier Regnault, un Sherbrookois de 43 ans. « Si j’ai une heure devant moi, je préfère skier plutôt que de pédaler. De cette façon, j’effectue mon volume d’entraînement beaucoup plus rapidement », confirme le vétéran de cette discipline.
Si vous avez des doutes sur le soi-disant plaisir de la chose, parlez-en à Louis Bouchard, entraîneur-chef au Centre national d’entraînement Pierre-Harvey. « Les jeunes effectuent 90 % de leur entraînement estival sur skis à roulettes. S’ils n’aimaient pas ça, ils abandonneraient… En ce qui me concerne, ce sport est aussi divertissant que le patin à roues alignées ou le skateboard. »
Mon expérience
Pourquoi est-il donc si peu reconnu ? J’ai voulu répondre à cette question en me lançant dans ce reportage. J’avoue que la version « terrain sec de la glisse », qui se pratique autant en pas de patin qu’en pas classique, me laissait de glace. Skier sur une surface goudronnée ? Une hérésie. Pour moi, cette discipline était l’apanage des Alex Harvey de ce monde qui espèrent gruger leur chrono de quelques millisecondes pendant l’arrêt des compétitions hivernales. Je le voyais comme un outil d’entraînement, aussi ennuyeux que la bicyclette stationnaire.
J’ai testé la patente en juin dernier dans un cul-de-sac fraîchement pavé de l’ouest de Montréal. J’étais accompagné de Stéphane Barrette, directeur du développement des athlètes et entraîneurs à Nordiq Canada, et de Peter Rozmovits, distributeur de skis à roulettes Swenor, une compagnie norvégienne, réputée dans le domaine. Le ciel était bleu. La température parfaite, tout juste au-dessus de 20 oC. J’y suis allé, j’ai vu et j’ai été conquis ! Quel bonheur de glisser sur le macadam, sans avoir à farter, tout en portant des vêtements légers ! Tenir en équilibre sur les skis-roues ne tient pas de l’exploit pour un fondeur intermédiaire. Au bout d’une demi-heure d’initiation, j’ai changé de discours.
Si c’est si facile et si plaisant, pourquoi ça ne décolle pas alors ? En Europe, c’est très populaire. Il existe même un circuit de Coupe du monde de ski à roulettes. Des pistes qui y sont consacrées se multiplient dans les montagnes françaises, et des loppets attirent des milliers de personnes. Sur le Nouveau Continent, c’est une tout autre histoire. « Le problème, c’est qu’il n’existe pas une véritable culture du ski de fond au Québec. Dès que la neige fond, la plupart troquent les skis contre le vélo ou la course à pied. Seuls les rares mordus, ceux qui s’entraînent pour des compétitions, s’y mettent », explique Gilles Lefebvre, entraîneur-chef au Club de ski de fond du parc du Mont-Orford.
Pourtant, les avantages de cette pratique sont multiples. « Non seulement c’est excellent pour le cardio, mais c’est aussi l’un des rares sports d’été qui travaillent autant les jambes que les bras. Ne générant pas d’impacts, il convient également aux gens souffrant de douleurs articulaires », vante l’entraîneur Stéphane Barrette. Paraît-il aussi qu’il n’y a pas mieux pour sculpter sa silhouette.
Ici, rien de tout cela. Le ski d’été demeure dans l’ombre. Sa faible croissance s’expliquerait par une série d’obstacles. Un premier de taille : son interdiction sur les routes. Le Code de la sécurité routière bannit son usage même sur les chaussées désignées. Quant aux pistes cyclables aménagées ailleurs que sur le chemin public, ce sont les municipalités ou les gestionnaires des parcs qui réglementent cette activité. Plusieurs l’interdisent, comme la Ville de Montréal ou celle de Lévis, ou en restreignent l’utilisation, comme sur la piste du P’tit Train du Nord.
Faute d’infrastructures, la plupart des amateurs ainsi que les clubs de ski de fond pratiquent leur sport illégalement. Les clubs se rabattent sur des routes dans des secteurs peu achalandés, au risque de voir débarquer la police à tout moment. C’est ce qui est arrivé au Club de ski de fond du parc du Mont-Orford, qui a dû déménager ses lieux d’entraînement à maintes reprises. « La majorité des automobilistes nous encouragent et nous félicitent de faire bouger les jeunes, mais il suffit d’un mécontent qui porte plainte à la police pour que tout déraille », se désole Gilles Lefebvre.
En roulant en solo, on attire moins l’attention des agents de police. Mais ça ne veut pas dire qu’on skie l’esprit tranquille. Le style pas de patin occupe beaucoup d’espace sur la voie publique. Certains automobiles ou cyclistes, qui perçoivent la route comme leur propriété exclusive, s’impatientent et deviennent agressifs envers ces hurluberlus à roues. « Ce n’est pas toujours joli », me confirme un adepte, qui a vécu plusieurs situations de rage au volant ou au guidon.
Rouler sur du beau bitume est vraiment très agréable et procure un certain plaisir… mais on est au Québec. C’est une autre contrainte majeure. « Une craque peut nous faire perdre le contrôle », m’indique François-Xavier Regnault. Avec des roues plus larges ou gonflables, on peut s’aventurer sur les routes en gravier, comme sur le chemin Olmsted, dans le parc du Mont-Royal, où c’est permis. Mais ce n’est pas tous les skieurs-rouleurs qui possèdent des pneumatiques ou qui apprécient la poussière de roche.
VERS UN NOUVEAU DÉPART
Cela fait beaucoup de points négatifs pour le ski à roulettes. Mais ce dernier n’a pas fait son dernier tour de piste. Rémi Brière, de Fondeurs-Laurentides, planche avec la Ville de Saint-Jérôme sur la construction d’une piste de ski à roulettes dans un futur quartier des sports. « La Ville s’intéresse vraiment à notre projet. J’espère une ouverture de la piste d’ici trois ou quatre ans », dit cet entraîneur.
Ski de fond Québec désire élever la discipline à un autre niveau. Dans son plan de développement de l’élite, la fédération sportive rêve à la construction de deux nouvelles pistes de ski à roulettes à Montréal et à Gatineau d’ici 2024, si tout va comme sur des roulettes… Le but de l’organisation : être la meilleure province aux Championnats canadiens (catégories junior, senior) et aux Jeux du Canada, et les pistes de bitume font partie de la stratégie pour y parvenir.
La naissance probable d’un réseau de pistes pourrait donner un nouvel essor à ce sport bizarroïde. Sa démocratisation est-elle pour bientôt ?
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FAIS TA PRIÈRE
Comment fait-on pour arrêter en skis à roulettes ? La solution : on prie. À l’instar des skis de fond, les skis à roulettes ne possèdent pas de freins. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il existe une différence de sensation entre tomber sur la neige molle ou heurter durement le bitume. Tout skieur à roulettes vous racontera avec emphase une histoire d’éraflures et d’ecchymoses de taille planétaire à son actif. Ce sont leurs blessures de guerre. « C’est sûr que l’absence de freins rend ce sport plus difficile à vendre », me confirme Stéphane Barrette.
À vrai dire, les systèmes de freinage existent, mais sont loin d’être la norme. Plusieurs les méconnaissent ou les snobent carrément. Gaétan Beaulieu ne fait pas partie du lot. Il possède un frein et il ne s’en priverait plus. « Ça me permet de rester en confiance et de contrôler ma vitesse dans les pentes trop abruptes », dit ce fondeur quatre saisons.
PLEINS FEUX SUR L’ÉQUIPEMENT
Comme en ski de fond, il existe deux styles de ski à roulettes, et ceux-ci exigent un équipement différent : le pas de patin (ou skating) et le pas classique. Les skis destinés au pas de patin sont plus courts et leurs roues ne possèdent pas de système antirecul. Au contraire, les skis classiques possèdent des roues qui bloquent en mode recul, reproduisant le « » du ski de fond traditionnel. Leurs roues sont plus larges, ce qui permet de rouler sur une surface moins lisse, comme de la poussière de roche.
On recommande aux débutants de s’initier avec des skis à roulettes de skating : ils seront plus faciles à manœuvrer, grâce notamment à des bottes plus rigides (on utilise les bottes de ski de fond d’hiver en été) qui soutiennent davantage les chevilles. « Le style classique s’avère plus difficile en raison de l’absence de doubles pistes, comme celles tracées dans la neige. Il faut donc apprendre à maintenir le cap à chaque foulée », explique Catherine Dumoulin, experte du ski de fond à la boutique Courir de Montréal. Une paire de skis avec fixation coûte de 400 à 700 $ en pas de patin et de 500 à 700 $ en pas classique.
Les constructions en aluminium sont plus abordables, mais leur défaut est leur rigidité. Ils sont tape-cul, pourrait-on dire. Les autres matériaux comme la fibre de verre et le carbone sont plus flexibles. « Ils absorbent mieux les vibrations et leur flexibilité imite plus fidèlement celle de la spatule du ski de fond », souligne notre experte de la boutique Courir. Certaines compagnies offrent des freins en option, comme V2, Fischer et Swenor. Leur coût varie de 100 à 150 $. La compagnie américaine V2 offre également des ralentisseurs sur ses roues gonflables.
Enfin, il existe des modèles qui donnent la possibilité de pratiquer les deux styles avec une seule paire de skis. Ils sont cependant moins performants.
COURS D’INITIATION
Les membres de clubs de ski de fond s’adonnent au ski à roulettes durant l’été, et leursd entraîneurs sont prêts à offrir des cours d’initiation à des curieux. « Nous ne le publicisons pas, mais si quelqu’un nous contacte pour suivre un cours, nous lui répondrons positivement », affirme Rémi Brière, entraîneur-chef au club Fondeurs-Laurentides.
LOCATION (dans une colonne)
Avant de débourser plus de 500 $ pour un équipement, vaut mieux l’essayer. La boutique Courir de Montréal possède une petite flotte de skis-roues en location.
MÊME PAS MAL !
Toujours optimiste, Peter Rozmovits, représentant de Swenor, relativise les dangers de la chute sur une surface goudronnée. « Je suis déjà tombé à plusieurs reprises en skis à roulettes et je me suis fait beaucoup moins mal qu’en tombant avec mon vélo ! » nous assure-t-il.
OÙ FAIRE DU SKI À ROULETTES LÉGALEMENT AU QUÉBEC ?
Centre de ski de fond du Mont-Sainte-Anne
Circuit Gilles-Villeneuve, parc Jean-Drapeau
Chemin Olmsted, parc du Mont-Royal
Parcs nationaux du Québec (sur piste cyclable)
Parc linéaire du P’tit Train du Nord (autorisé en semaine, de 6 h à 10 h, sur certaines portions)
Cycloroute de Bellechasse
Véloroute de la Chaudière
Ski De Fond A Roulette A Vendre Le Bon Coin
Véloroute des Bleuets
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Parc de la Gatineau (sur les promenades, lorsque la circulation motorisée est interdite)